Lundi 2 février, nous apprenons par la presse qu’une colonne d’une cinquantaine de véhicules 4×4 avait été bombardée dans le nord du Tchad par l’aviation française. Un long article du Monde décrit les conditions de l’attaque aérienne, d’où viennent les véhicules, qui sont les protagonistes. Nous devons être très vigilants sur ce qui se passe au Tchad car, Handicap Santé prévoit le départ d’une mission chirurgicale pour le dimanche d’après.
Il n’est pas question de prendre le moindre risque pour l’équipe. Les onze membres sont des professionnels, chirurgiens, anesthésistes, infirmiers qui travaillent dans des hôpitaux et cliniques en France et qui prennent sur leur temps de congés pour partir au Tchad. Ce ne sont pas des humanitaires mais des volontaires-bénévoles, alors l’on doit prendre le moins de risque possible.
Commence alors la ronde des coups de fils auprès de nos partenaires tchadiens et en premier lieu les responsables de la Maison Notre Dame de Paix à Moundou, au sud du Tchad où l’équipe va intervenir. Rien à signaler de leur coté, ils ont entendu les informations mais c’est le nord du Tchad, à plus de 2000 kilomètres. D’autres appels sont échangés avec l’ambassade de France au Tchad, avec l’Agence Française de Développement, avec Handicap International, l’association BASE. Les membres de l’équipe nous questionnent, leurs familles les interpelant, surtout celles des deux nouveaux pour lesquels cette mission est la première expérience africaine.
Le Bureau de Handicap Santé se réunit dans la semaine pour décider ce que l’on doit faire.
Les conditions de sécurité maximale sont rassemblées. A l’arrivée à N’Djamena, l’équipe est véhiculée à l’hôtel Issiror, ex-Ibis, à deux pas de l’aéroport qui est protégé par un mur d’enceinte de 3 mètres de haut, un portail blindé en ferme l’accès, et une herse est supposée stopper les véhicules. Le lendemain matin, l’équipe doit prendre le vol du Programme Alimentaire Mondial qui l’emmènera directement à Moundou. Là, elle sera accueillie par les frères Capucins du Centre des handicapés, de la Maison notre Dame de Paix.
Moundou est la 2ème ville du Tchad située à 450 kms de la capitale et très loin du nord. Le retour se fera dans les mêmes conditions et l’équipe attendra le vol d’Air France à l’hôtel.
Au total, rien de notable se passant, l’équipe est partie comme prévue le dimanche 10 février et a pu mener les opérations planifiées.
C’est la 85ème mission chirurgicale et la 1ère de l’année 2019.
En 2018, nous avons organisé trois missions en chirurgie orthopédique et une mission mixte de plastie et de chirurgie réparatrice de fistules obstétricales avec un nouveau partenaire, Actions Santé Femmes. Cette pathologie n’est pas ou très peu traitée dans cette région du sud du Tchad. Les complications dramatiques subies par ces patientes conduisent à leur exclusion de la société et souvent à la mort. Pour intervenir efficacement, Actions Santé Femmes a souhaité bénéficier de la connaissance du terrain accumulée depuis tant d’années d’intervention par Handicap Santé et la Maison Notre Dame de Paix. Neuf femmes ont déjà été opérées.
En plus de nos activités opérationnelles, nous poursuivons nos actions de formation auprès d’internes tchadiens en chirurgie générale en partenariat avec la faculté de médecine de N’Djamena. Ils étaient deux lors de cette mission. Les chirurgiens leur dispensent des cours théoriques avant les opérations auxquelles ils participent. Les autres membres de l’équipe chirurgicale leur montrent les bonnes pratiques d’hygiène et d’asepsie et leur enseigne quelques pratiques d’anesthésie car ils sont confrontés à l’absence de médecins anesthésistes dans leur pratique.
Les personnes que nous opérons et réussissons à remettre debout, contribuant ainsi à leur redonner leur dignité, resteraient handicapées et exclues sans nos interventions. Nous essayons de redonner le sourire à ces enfants.
PS : Nous avons bien fait de prendre toutes ces précautions car des membres de Boko Haram ont été arrêtés par l’armée tchadienne, à N’Djamena pendant la mission.